Ce texte est une version pré-publication d’une conférence donnée par S. Genvo à l’occasion du colloque Genre et jeux vidéo, à l’université Claude Bernard Lyon 1, et publié dans Fanny Lignon (dir.), Genre et jeux vidéoPresses universitaires du Midi, Toulouse, 2015, 268 pages
Résumé :
Comme l’indique Jacques Henriot, jouer revient à mener un procès métaphorique qui nécessite de faire « l’exercice des possibles ». À ce titre, Braid (Blow, 2008) peut être analysé comme un projet médiagénique porté sur la forme ludique, qui incite conjointement à redéfinir la vocation d’un jeu. À partir de la présentation d’outils théoriques d’analyse s’inscrivant dans une approche ludologique, nous montrerons que le personnage de la princesse occupe un rôle central et moteur dans ce projet. Le jeu de Jonathan Blow joue en effet sur le rôle ludique habituellement conféré à la princesse dans les jeux de plateformes. Dans Braid, le joueur incarne Tim qui doit délivrer sa princesse enlevée par un monstre maléfique. Ceci est arrivé car Tim a commis des erreurs dans sa relation. Tim souhaiterait que les règles du monde soient différentes et qu’en apprenant de nos erreurs, il soit possible de changer le cours des évènements. Dès lors, la jouabilité de Braid propose au joueur de manipuler le temps pour progresser dans l’aventure, chaque erreur commise pouvant être effacée pour réessayer et passer l’épreuve de façon satisfaisante. Cette exploration des possibles pour délivrer la princesse sera cependant complètement remise en cause à la fin du jeu, imposant un dénouement inévitable, faisant apparaître le déterminisme sous-jacent aux actions du joueur. Mais conjointement, le dernier niveau (qui se présente comme le premier) invite à relire l’ensemble de l’aventure en lui conférant un sens différent, faisant apparaître que la jouabilité ne se trouve pas uniquement au niveau performatif mais aussi sémiotique. La princesse est une métaphore, à charge au joueur d’explorer les différents sens qui peuvent lui être conférés pour comprendre le message exprimé par l’œuvre. Sur les forums, de nombreux joueurs se sont d’ailleurs essayés à ce jeu interprétatif, sur lequel nous reviendrons. En jouant avec les conventions pour attirer l’attention sur l’action et son sens métaphorique dans les jeux, Braid reformule finalement les règles du game design pour leur ouvrir de nouveaux horizons expressifs.